Nouna : Zoom sur une institutrice battante qui a dompté son handicap.
Madame DEME Djénéba, titulaire de la classe de CP2 est une institutrice vivante avec le handicap, actuellement en service à l’école primaire publique de Bernard Rayssiguier au secteur 4 de Nouna dans la Circonscription d’Education de Base de Nouna.
Nous avons voulu savoir les principales motivations qui l’animent en embrassant un métier comme l’enseignement, qu’est de transmettre des connaissances aux enfants, une tâche aussi noble, exaltante mais très délicate qu’elle accepte exercer malgré son état d’handicap physique.
C’est pour nourrir cette curiosité que nous nous sommes rendu dans son école à sa rencontre ce vendredi 30 avril 2021.
En effet, plusieurs personnes vivant avec un handicap ont perdu tout espoir de réussir dans la vie. Si parmi elles, certaines se livrent à la mendicité, d’autres ont décidé de ne pas céder à la fatalité. C’est le cas de Démé Djénéba, l’institutrice battante qui a su dompter son handicap en embrassant ce métier.
Djénéba Démé est une institutrice battante et courageuse qui n’a pas donné raison à son handicap. Malgré son état de handicap, elle a défié les difficultés de la vie et a finalement réussi le pari. Une femme en situation de handicap qui n’a rien à voir avec un bon nombre de personnes handicapées. Djénéba Démé a connu une enfance d’ailleurs rythmée, puisqu’elle nous raconte les moqueries et les railleries subies dans son entourage, mais cela n’a pas été un frein à son épanouissement dans la mesure où elle a bénéficié à l’époque de la compassion de sa famille.
En l’abordant, celle-ci nous a confiée qu’avant d’être institutrice, elle a échoué dans le secteur informel comme prestataire de pari ou micro-crédit ( Taarago ) en langue nationale mooré.
Djénéba Démé nous relate qu’elle a vécu une enfance douloureuse du CE1 au CE2 où elle a été victime d’une fracture au bras droit qui a valu malheureusement l’amputation de ce membre supérieur.
Au début, elle a eu du mal à s’adapter, mais c’est avec les encouragements et les multiples soutiens de son maître de classe M.Télesphore BICABA Conseiller pédagogique Itinérant à la retraite qu’une nouvelle vie est offerte en elle. Se battre pour continuer son école était son credo. « Et par la grâce de Dieu tout puissant, j’ai pu continuer jusqu’au secondaire et tout se compliquait autour de moi. C’est pourquoi ,j’ai abandonné les études pour entreprendre le commerce. Là-bas , je m’en tirais à bon compte avec ce que je gagnais comme revenu », a-t-elle expliqué sous un ton émotionnel.
D’où viens ce choix d’être institutrice ?
Alors, son choix pour l’enseignement est venu de l’amour qu’elle a pour son maître qui l’avait apportée un appui psycho-social après son drame. L’instituteur en question veillait sur elle pour qu’elle ne soit pas la risée de ses camarades de classe. Dès lors, elle a rêvé d’embrasser ce métier, un coup dur certainement, mais pour l’institutrice ce fut le début d’une nouvelle vie. En son temps, témoigne-t-elle, trop de difficultés dans son parcours; elle constatait mais, pour elle, le seul but de se surpasser pour être un modèle pour d’autres brûlait en elle.
Pour y arriver, Djénéba Démé s’est inscrite à l’école privée de formation des enseignants du primaire à Toma (EFPGA) pour deux ans de formation où elle a versé en première année 200 000F et deuxième année 100 000F. Aux dernières nouvelles, cette école de formation n’a pas été reconnue par l’Etat.
Elle était obligée de revenir pour continuer son commerce en attendant une issue heureuse.
Cependant, tout se bascula, car elle a fait deux années blanches avant de s’inscrire une nouvelle fois, à l’école privée de formation des enseignants du primaire GHADIR à Ouaga.
C’est à l’issue de cela qu’elle a tenté au test d’intégration qui n’a pas marché, certainement à cause de son handicap physique.
L’année suivante, elle s’est donnée plus de chance, et cette tentative fut la bonne, car elle a réussi avec brio au test d’intégration avec un bon rang (5ex) parmi ses pairs.
Affectée à l’école de Sokoro, DEME Djénéba à exercé avec aisance ce métier d’instituteur comme les normaux.
Cela a valu son admission au certificat d’aptitude pédagogique (CAP) en 2019.
Pour la rentrée 2020-2021, « Djènè », affectueusement appelée par ses proches est mutée à l’école primaire publique Bernard Rayssiguier où elle est titulaire d’une classe de CP2 avec un effectif de 95 élèves dont 51 garçons et 44 filles.
Elle manie avec dextérité la règle au tableau et autres matériels didactiques du maître. Son écriture appliquée, soigneuse et lisible, nous confirme une institutrice hors pair qui a su instaurer une discipline fondée essentiellement sur la participation active de ses élèves. Elle a su impliquer un enseignement inclusif où tous les niveaux (fort, moyen et faible) sont pris en compte.
Ce qu’en dit sa Directrice
Lorsque nous avons demandé à sa directrice, Madame Blandine Coulibaly ce qu’elle pense de son adjointe, elle nous dit ceci : « J’ai travaillé avec des femmes, mais je n’ai jamais vu une aussi dévouée comme Mme Démé Djénéba.»
C’est une femme sociable, dynamique qui sait entreprendre au sein de l’école, travailleuse, battante et consciencieuse.
Même si elle tombe malade, elle est capable de venir en classe. De par son courage, sa volonté et son abnégation au travail, Mme Démé se surpassait toujours pour être à la hauteur de la tâche qu’on lui demande.
Dans la vie courante, elle a le sens de la mobilisation. C’est une qui ne néglige rien. Elle prend tout au sérieux.
La directrice Blandine Coulibaly ne passe pas inaperçue aux difficultés qui minent la vie de son école, notamment le manque de bureau. Depuis son arrivée, un raisinier lui sert office de bureau pour gérer les instances de l’école construite depuis 2009 avec un effectif de 490 élèves.
Il faut signaler que ce temple du savoir n’a pas de clôture ni un magasin. La cantine scolaire est conservée très loin de l’école dans un bâtiment d’emprunt.
Djénéba DEME, à propos de la stigmatisation des personnes vivantes avec un handicap
Se prononçant sur la stigmatisation des personnes ayant un handicap, Mme Démé conseille aux parents de traiter les enfants au même pied d’égalité, car dans la vie, certaines situations malheureuses conduisent à des expériences qui changent le monde. « À tous ceux qui vivent avec le handicap, il n’est jamais une fatalité, soyons optimistes, car nous pouvons le surmonter par le travail.»
« Le handicap est d’abord mental, après physique. C’est à nous de nous en départir pour avoir une bonne image que la société n’attend pas de nous», ajoute-t-elle.
L’institutrice Démé Djénéba nourrit l’ambition d’ouvrir un centre de formation et de réinsertion des personnes vivant avec le handicap dans la ville de Nouna, mais les moyens font défaut, c’est pourquoi elle compte sur les personnes de bonne volonté, des projets et des ONG pour la réalisation de son vœu cher.
Et pour finir, L’institutrice battante invite les décideurs à plus de motivations aux enseignants et plaide pour le retour des Groupes d’Animation Pédagogique.
Madi Sidparaadye KEBRE/Burkinaweb.net
